J'ai connu plusieurs sortes de déprime en 3 ans de vie sans domicile. La plus éprouvante pour moi, c'est quand on a pas d'argent pour s'acheter à manger. Car quand on est seul dehors, le plus grand bonheur le soir en rentrant au campement c'est de se faire un bon repas.
Bien sûr, la présence humaine m'a beaucoup manqué aussi et notamment celle d'une femme aimante. Ça, ça a été mon troisième point de déprime. Car je rêve de vivre un fort amour avec une femme.
Le deuxième point qui m'a été très dur et m'a fait beaucoup souffrir, c'est de ne pas passer les soirées avec ma fille et en famille. Parce que de tout mon coeur, je souhaitais que ma fille grandisse avec un papa et une maman qui s'aiment, vivent avec elle et passer plus de temps avec elle, dans un lieu de vie commun. Ça, ça m'a fait beaucoup souffrir, parce que ça m'a rappelé aussi ma propre enfance et ce que pouvait éprouver ma fille. J'ai travaillé dessus et c'est passé.
Mais dans la rue, dehors, l'essentiel et le plus important, ce qui passe en premier c'est de manger.
Plusieurs fois et surtout les fins de mois, je me suis retrouvé quelque fois à ne pouvoir m'acheter qu'une baguette de pain ou une boite de conserve pour la journée, et ça, ça me plombait considérablement le moral. Je ne me sentais pas bien. Ça me faisait déprimer. Je comptais mes centimes et attendais avec impatience mes revenus du mois quelques jours après.
Je crois que c'est là où à commencer mon plaisir à me faire des bons repas. Avant, je n'en avais rien à faire de la nourriture. Je mangeais ce qu'il y avait ou me contentais de peu.
Mais en connaissant le manque, les choses sont devenues différentes. J'apprécie me faire plaisir avec la nourriture car c'est d'un grand réconfort, comme une douche chaude après 5 ou 10 jours sans se laver.
Ici, j'ai une table basse et un petit tabouret en bois récupérés près des poubelles, avec un siège acheté à Décathlon. J'ai une poêle, une casserole et de quoi faire chauffer. Je vous dis pas le plaisir que j'ai à rentrer au campement pour me faire une omelette aux pommes de terre ou une poêlée de légumes ! Je me régale. Et ça, c'est très important pour le corps et le moral quand on vit seul dehors, et encore plus l'hiver en mangeant chaud.
Mais les jours sans rien, comment on fait ?
Et bien j'ai fini par me dire que ce n'était pas grave. Le jour où je savais que je n'allais plus pouvoir m'acheter à manger jusqu'à ma paye, je me disais que c'était ok, j'avais bien profité avant, un petit régime ne me ferait pas de mal. Et puis y a pire que de ne pas pouvoir manger comme on veut pendant 5 ou 6 jours. C'est rien en vérité.
Des moines bouddhistes au Tibet vivent avec un bol de riz par jour. Des sadhûs en Inde vivent parfois avec moins que ça et on ne parle pas des millions d'Africains qui connaissent encore pire.
Ici dans nos pays occidentaux, on peut se débrouiller, il y a l'abondance.
Comme il est expliqué dans le texte précédent, bien habillé et en se donnant les moyens, on peut réussir et manger à sa faim.
Cependant, il y a d'autres sortes de déprime : le fait d'être seul, à la rue, marginalisé, exclu, souffrir de choses du passé ou du problème qui a fait en sorte qu'on se retrouve dehors et/ou de n'avoir pas de compagne ou compagnon.
Quelque soit la souffrance qui vient, il faut mettre un point d'honneur à ne pas la nourrir en plongeant dedans. S'il vous plaît ne faites pas ça.
Oberservez cette souffrance, regardez-la d'au-dessus pour mieux l'analyser, la comprendre et la dépasser. En s'identifiant à elle, c'est perdu pour un moment qui n'appartient qu'à vous, plusieurs jours, des mois ou des années. C'est toujours soi-même qui se fait souffrir et jamais la situation qui ne veut que nous rendre plus fort et nous faire évoluer.
Il faut observer son état émotionnel et se demander comment être mieux. En voyant que c'est telle situation qui pose problème, on peut se dire que cette situation finalement si elle est prise d'une façon positive change l'état intérieur. D'une façon positive dans le sens où ça va nous apporter quelque chose de bénéfique. Oui, vivre le rien peut être positif, même énormément si c'est vécu en conscience.
Pour rester bien et dans un bon état intérieur, il faut prendre soin de soi. Faire du sport ou de la marche, avoir une activité physique et/ou intellectuelle avec d'autres, faire du yoga et/ou de la méditation (l'introspection est très importante pour avancer), mieux manger (sainement), s'entourer de belles choses ou aller vers elles, aller dans le sens d'un mieux-être.
Il faut rester ouvert à ce que la vie nous envoie, en matériel comme en personnel. C'est pour ça que j'insistais dans le texte précédent d'avoir des relations. Le jour où vous avez moins, la vie veut que vous ayez plus. Mais la vie se manifeste à travers les gens !
Soyez sympathiques, aimables, polis, respectueux, serviables, alors vous verrez que la vie vous le rendra.
Ainsi vous ferez de plus en plus confiance en la vie, de plus en plus confiance en vous même, car vous verrez que certaines choses simples marchent et se mettent en place (parce que vous l'avez créé).
Alors il n'y a plus de déprime à avoir, de baisses de moral, au contraire, il y a un élan positif d'aller en avant. En élan vers la Vie, un élan vers Soi. Alors tout se met en route. Et l'expérience de sans domicile prend une autre allure.
Finalement c'est positif, ça nous apprend beaucoup, ça nous aide à devenir meilleur, plus fort, plus ancré, plus vivant. L'humilité et le coeur prennent le dessus et là, avec l'élan bienveillant créateur, c'est le jackpot.
Vous pouvez être sans domicile et très riche. Offrez cette richesse intérieure aux autres et c'est tout bénef pour vous. Vous trouverez alors un logement dans peu de temps, ainsi que de quoi subvenir à vos besoins, c'est garanti.
Il faut toujours croire qu'il y a un meilleur pour soi et savoir qu'il est là. Et ça, ça donne une étincelle dans les yeux.